Cordona. Tout à l’Est de Crans-Montana. Bien loin de la ville animée, au cœur de la nature: c’est là que vit Marlène Galletti. La fromagère est aussi herboriste, accompagnatrice en montagne. Et désormais actrice puisque c’est elle que l’on voit dans le documentaire «Raclette Kirghize». Le Nouvelliste racontait hier l’histoire de Marlène qui s’en est allée enseigner fabrication du fromage à une famille de bergers kirghiz. On vous propose de retrouver ci-après le texte d’Isabelle Bagnoud Loretan:

Marlène Galletti habite Cordona, où les prairies sèches sont les plus belles et où elle cultive son goût de la nature, une nature immédiate et sauvage dont elle déguste les noms et les saveurs, et qu’elle use en salade ou en crème de beauté. Herboriste, accompagnatrice en montagne, Marlène Galletti est aussi fromagère. «Surtout fromagère», précise la sauvageonne, rappelant les dix ans passés à l’alpage de Fournoutz au-dessus du barrage des Toules.

Le fromage, c’est son truc: les chaudrons, la fabrication, les transformations, toute cette alchimie l’a ravie. Quand Antoinette Pitteloud, Valaisanne d’origine et enseignante à Lausanne, lui propose, en 2009, de transmettre, dans le cadre d’un projet, son savoir-faire à des bergers kirghiz, elle accepte. 

«Longtemps nomades, ils n’ont jamais développé ce savoir- faire», explique Marlène.

Ici, à l’est du Kirghizstan, ancienne république de l’URSS jusqu’en 1991, sur de hauts-plateaux d’Asie, des cavaliers conduisent leurs troupeaux, vivent dans des yourtes, pratiquent la transhumance comme le faisaient les Valaisans. Car dans les hauts pâturages, l’herbe est abondante, on s’y installe de juin à septembre avec vaches, chèvres et moutons. Avec le lait, les bergers produisent du beurre, de la crème et du yogourt. Marlène a ramené quelques bouts de yogourt durci, comme des crottes séchées acidulées qu’on suce comme des bonbons!

Le chaudron: une vieille lessiveuse russe

En avril 2009, premier voyage, Marlène atterrit dans la capitale, Bichkek, pour préparer le projet. 

«J’ai remarqué que la végétation ressemblait à la nôtre. Partout des saules et des érables dans la ville grise, des pâturins, c’était l’extase…»

Elle rejoint la vallée de la rivière Juuku, empruntée jadis par les caravanes de la Route de la Soie pour rencontrer les bergers au milieu d’abricotiers et d’amandiers en fleurs sur des parterres d’edelweiss! Dans ses bagages, trois bouts de raclettes différents pour leur montrer la richesse du lait cru! Ensuite, avec l’aide d’une traductrice, elle écume les marchés saturés de produits chinois pour trouver des ustensiles, en vain. Pour le fouet, deux paniers à fruits traficotés par un berger suffiront; pour le chaudron, les bergers proposent d’utiliser la lessiveuse russe!
En août, Marlène revient avec des moules, de la présure, un tranche-caillé et rejoint les bergers à l’alpage, à 2800 mètres d’altitude. Les vaches russes sont plus petites, sans sélection, elles produisent peu de lait, «vraiment pas beaucoup», soupire Marlène.

Les femmes au turbin

La fromagère travaille avec la famille de Turar Usonbaev, dit Talchi, mais c’est à sa femme, Nurgul et à une voisine, qu’elle enseigne la pratique. Une petite cave a été creusée à flanc de montagne, on a installé des étagères à fromages, au-dessus une yourte fromagerie. 

«C’était un vrai challenge, il y avait un enjeu et j’étais plutôt stressée», se souvient Marlène qui s’est prise d’amitié pour le pays et les familles. «Et nous avons fait de l’excellent fromage!»

Avant de partir, Marlène leur a même transmis quelques recettes du coin comme les «Alpen Macaronis»!
L’expérience a été un succès, un autre fromager suisse a assuré quelque temps le suivi des fromages. Aujourd’hui les pâtes sont appréciées tant par les kirghiz que par les touristes, les débouchés sont assurés. Mais l’équilibre reste fragile, pour pérenniser le projet, il faudrait professionnaliser le métier, créer de petites coopératives, impliquer les hommes.

Source: Le Nouvelliste, un article d’Isabelle Bagnoud Loretan